Dans la mort réside la beauté de l’amour

La mort est partout et nous ne savons pas vivre avec elle. Nous la tenons pour une chose ténébreuse et effrayante qu’il convient d’écarter, dont il ne faut pas parler. Qu’elle reste surtout bien loin, derrière la porte fermée. Mais elle est toujours présente.

C’est dans la mort que réside la beauté de l’amour, mais nous ignorons et l’un et l’autre. La mort est douleur, l’amour est plaisir, et tous deux semblent inconciliables : on s’accroche à cette division, qui est génératrice de souffrance et d’angoisse. Cette division et cet inévitable conflit existent de toute éternité.

La mort sera toujours présente chez ceux qui ne comprennent pas que l’observateur est l'observé, qu’expérimentateur et expérimenté ne font qu’un. C’est comme un vaste fleuve dans lequel l’homme se débat, avec tous ses biens matériels, sa vanité, ses douleurs et son savoir. A moins qu’il ne laisse au fond du fleuve tout ce qu’il a accumulé et nage jusqu’à la berge, la mort sera toujours devant sa porte, à l’attendre et le surveiller. Lorsqu’il quitte le fleuve, il n’y a pas de berge, la rive est le mot, l’observateur. Il a tout quitté, le fleuve comme la berge. Car le fleuve c’est le temps et les berges les pensées d’ordre temporel : le fleuve symbolise le, mouvement du temps et la pensée participe de ce mouvement. Lorsque l’observateur laisse derrière lui tout ce qui le constitue, il n’y a plus d’observateur. Cela n’est pas la mort : c’est l’intemporalité.

C’est un état inconnu, car la connaissance participe du temps. On ne peut en faire l’expérience : la recognition est d’ordre temporel. Se libérer du connu, c’est se libérer du temps. L’immortalité n’est pas le mot, le livre, l’image que l’on a associés. L’âme, le « moi », l’atman est le fruit de la pensée, elle-même produit du temps. Lorsque le temps est aboli, la mort l’est aussi. Ne demeure que l’amour.

Extrait de « Le journal de Krishnamurti", p.30-31