Etre distrait

Elle disait qu’elle avait toujours été troublée par une chose ou une autre; si ce n’était pas la famille, c’étaient les voisins ou quelque activité sociale. Sa vie avait été une perpétuelle agitation, et elle n’avait jamais pu en trouver la raison. Elle n’avait jamais été particulièrement heureuse; et comment pouvait-on l’être dans le monde où nous vivons ? Elle avait eu son lot de bonheurs éphémères, mais tout cela était du passé, et elle était en quête de quelque chose qui donnerait un sens à la vie.

K : Mais pourquoi avez-vous toujours connu cette agitation ? Vous êtes-vous jamais posé cette question ?

Q : J’ai essayé, mais je ne suis jamais allé au fond de la chose. Il y avait toujours quelque chose pour me déranger et me distraire.

K : Alors c’est simplement que le problème n’était pas vital pour vous. Lorsqu’il y a un problème vital, il n’y a pas de distraction. La distraction n’existe pas; la distraction implique un centre d’intérêt dont l’esprit s’écarte; mais s’il y a un centre d’intérêt, il n’y a pas de distraction. Lorsque l’esprit vagabonde d’une chose à une autre, d’un sujet à un autre, ce n’est pas de la distraction, c’est la fuite devant ce qui est. Nous aimons vagabonder et nous éloigner parce que le problème est tout proche. Nous errons de ci de là pour avoir quelque chose à faire, pour être occupés, par des soucis ou par du bavardage; et quoique ce bavardage soit souvent douloureux, nous le préférons à ce qui est.

Extrait de « Commentaires sur la vie », vol. I