Extrait du Dernier Journal

Un aigle, haut dans le ciel, faisait de grands cercles sans un battement d'ailes, porté par le courant aérien, et il disparut au-delà des collines. Observer, apprendre; apprendre relève du temps, mais l'observation ne relève pas du temps. Vous pouvez aussi écouter sans aucune interprétation, sans réaction, sans préjugé; écouter ce tonnerre dans le ciel, ce tonnerre qui gronde dans les collines. On n'écoute jamais complètement, il y a toujours une interruption. Regarder, écouter, est un grand art - regarder, écouter, sans réaction, sans la moindre sensation de la présence de celui qui écoute ou qui voit. En regardant, en écoutant, nous apprenons infiniment plus des choses que par les livres. Ceux-ci sont nécessaires, mais l'observation et l'écoute aiguisent les sens. Car après tout, le cerveau est le centre de toutes les réactions, les pensées, les réminiscences. Mais si vos sens ne sont pas à leur plus haut niveau d'éveil, vous ne pouvez pas vraiment observer, écouter et apprendre, non seulement comment agir, mais encore comprendre ce qu'est apprendre, car c'est là le sol même sur lequel peut croître la semence de la bonté.

Avec cette observation, cette écoute simple et lucide, apparaît alors une conscience : la conscience de la couleur de ces fleurs rouges, jaunes, blanches, des feuilles nouvelles, des tiges si tendres, délicates, la conscience des cieux, de la terre et des ces gens qui passent. Ils ont marché, bavardant le long de cette longue route, sans jamais regarder les arbres, les fleurs, ni les cieux et les merveilleuses collines. Ils ne sont même pas conscients de ce qui se passe autour d'eux.